L’étrangeté est dans mon œuvre, me semble t-il, depuis le tout début. Presque toutes mes gravures naissent de ce thème. Et mes peintures s’en inspirent aussi très souvent.
Non pas l’inquiétante étrangeté de Freud , mais plutôt quelque chose de l’ordre de la fascination, de l’étonnement, de l’émerveillement. Car comme l’écrit Jacques BROSSE dans son livre Satori « La perception aiguë, désintéressée, objective du réel est la plus forte hallucination possible. »
Le regard qui trouve sans chercher, demande un esprit de disponibilité, de curiosité et d’éveil.
Je pars en repérage, avec une idée vague et je reviens souvent avec une inspiration imprévue.
J’ai essayé d’adopter parfois le point de vue d’un martien qui découvre notre monde. Et à partir de cette vision du monde, faire apparaître l’étrangeté de ce que je vois.
GIACOMETTI raconte cette expérience puissante où assis dans un cinéma, soudain, de façon fulgurante , l’intégralité du monde qui l’entoure, la salle ,les fauteuils, les spectateurs lui apparaissent comme « jamais vu ». Cette expérience étrange s’est prolongée dans la rue et elle a changé et déterminé son art.
Christian BOBIN à la question de Laure ADLER : « Dans le fond, vous êtes un visionnaire ? » répond , après un silence, cette phrase magnifique : « Oui , si vous voulez...mais pour moi le visionnaire est celui qui voit les choses telles qu’elles sont, juste telles qu’elles sont »
Dans le jardin du Labyrinthe à Barcelone, un matin Place Mage déserte, un crépuscule en bateau à Venise, dans le reflet des nuages aux salins, sur un étang couvert de lotus, ou dans la pupille de mon chat, l’étrangeté partout. toujours...
Jean-David Saban - 30 Janvier 2023