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La lamentation du graveur

7 février 2014

Le doute devant la presse« Le graveur est un individu médiocre de taille, souvent débile de santé, égoïste, sénile, vicieux, disent les mauvaises langues sans expliquer pourquoi. Le corps plié en deux au-dessus de sa table, le nez touchant presque la plaque, une loupe à ses côtés (la plupart des graveurs au burin sont myopes), il travaille, il creuse, il gratte, il frotte, il use les manches de sa veste, que , parfois, tels certains employés, il protège avec des manchettes de lustrine. C’est un besogneux, un tout petit peu artisan, un rapetasseur de l’espèce des horlogers, des savetiers, quelqu’un de très lent, de peu pensant, et ce qui lui reste d’esprit, cet atome est tordu, c’est un coupeur de cheveux non en quatre, mais en deux cent cinquante-six, voire en cinq cent douze. Il gagne péniblement sa vie, cherche partout la petite bête, comme il poursuit inlassablement le détail minuscule avec de très petits outils. Il deviendra de plus en plus bossu et son caractère, proportionnellement à la déformation de sa colonne vertébrale s’aigrira jusqu’à la dernière méchanceté, »


La rigueur du graveur L'alchimie du graveur « La gravure rend méchant, la gravure rend fou, chacun le sait, Les statistiques prouvent que la plus grande quantité de névrosés se trouve dans la profession de graveur. Les très grands graveurs sont devenus fous : Duvet, Mantegna, Hercule Seghers et William Blake, déjà cité, Goya, qui au soir de sa vie était un bien curieux homme, Meryon, Bresdin, combien d’autres, peut-être tous et les plus grands seront toujours les plus fous,

La méchanceté du graveur est sans doute aggravée par sa situation de travailleur assis, laquelle rend également méchants nombre de fonctionnaires ou employés, Ceux-ci, pour la sécurité du public, sont enfermés derrière un grillage . Le graveur travaille librement sans grillage. » 

Pierre Courtin
Peintre et Graveur
La lamentation du graveur